Place Nadaud

Cette place doit son nom à Martin Nadaud, ancien maçon de la Creuse et homme politique français (1815-1898).

 

 

 

Fils de cultivateurs pauvres, Martin Nadaud naît en 1815 près de Bourganeuf.

A la différence de ses camarades, par la volonté de son père et malgré l’opposition de la famille, il est envoyé à l’école où il acquiert les rudiments de l’instruction primaire : la lecture et l’écriture.

Le maçon

A l'âge de 14 ans, Martin Nadaud part à Paris avec son père, comme maçon de la Creuse. Il y découvre alors les conditions de travail de ses semblables : journées de 12 à 15 heures, travaux dangereux sur les échafaudages, malnutrition, logements insalubres... À 19 ans, il est chef d'atelier. Il intègre la Société des Droits de l'Homme.

Soucieux de parfaire son instruction, il fréquente les cours du soir après ses journées de travail. Par la suite, il s'inscrit dans une école payante dans le but d'améliorer son expression écrite, puis à l'école de médecine. Il instruit par la même occasion ses compagnons de travail. A partir de 1838. Il fréquente les réunions socialistes, découvre avec intérêt les doctrines de Cabet et adopte les idées communistes.

Il se marie le 23 février 1839 avec Jeanne Aupetit. De cette union nait sa fille unique, Désirée, en novembre 1845. Il fréquente le socialiste Pierre Leroux et, en 1840, se retrouve parmi les meneurs de la manifestation ouvrière de la plaine de Bondy.

L’homme politique

Martin Nadaud découvre à Paris la Révolution de Juillet. Il milite au sein de l’opposition républicaine. Au moment de la révolution de 1848, il a plutôt un rôle de modérateur. En 1849, il est élu député de la Creuse. Au sein de l’Assemblée Nationale, il intervient à maintes reprises pour défendre le plein emploi dans le bâtiment et les intérêts des travailleurs en général. Il prononce ainsi la phrase célèbre: "A paris, lorsque le bâtiment va, tout va".

À l'époque, il travaille sur le chantier de la mairie du 12e arrondissement. Siégeant à la Montagne, sur les bancs des républicains socialistes, il intervient fréquemment à la tribune, votant contre l'expédition de Rome, la loi Falloux-Parein sur l'enseignement et la loi restreignant le suffrage universel, et s'oppose à la politique de Louis Napoléon Bonaparte. Il présente également une proposition de loi relative aux expropriations nécessitées par les grands travaux publics de l'époque..

L’exil

Lors du coup d'État de Louis Napoléon du 2 décembre 1851, il est arrêté dans la nuit et conduit en prison.

Le 9 janvier 1852, banni par décret, il s'exile en Belgique, avant de partir pour Londres, où il reprend son métier de maçon. Sa santé se dégradant, et ayant appris l'anglais, il devient instituteur à Londres et à Brighton en 1855, puis professeur de français à l'École militaire de Wimbledon. Il fréquente d'autres exilés comme Victor Hugo, Louis Blanc, Étienne Cabet et Pierre Leroux. C'est en Angleterre qu'il est initié franc-maçon.

En 1859, il retourne en France mais, déçu par l'accueil de ses amis parisiens, il retourne en Angleterre. Ces séjours lui permettent de connaître la réalité de la révolution industrielle et des transformations économiques.

Le retour en France

Quand éclate la guerre entre la France et la Prusse, il regagne son pays et collabore au Réveil de Delescluze. Léon Gambetta le nomme Préfet de la Creuse le 4 septembre 1870. Fin 1871, il est élu conseiller municipal de Paris par le quartier du Père-Lachaise (20e arrondissement). Il demande la relance du bâtiment (notamment par l’exonération de tout impôt pour les maisons construites dans l’année), l’amélioration de l’hygiène, la construction du métro et d’un port à Gennevilliers. Il se mobilise sur la question de la construction de l’actuel hôtel de ville de Paris. En 1876, il est élu député de la Creuse, mandat qu’il conservera 13 années durant.

Son activité politique se traduit dans les domaines de la construction, de l’urbanisme et de la protection sociale. Il est à l’origine du Crédit Agricole. Dès 1874, il réclame la prise en charge par l’Etat de la formation professionnelle dans les métiers du bâtiment.

Il défend l'instauration de retraites ouvrières en 1879, de protections contre les accidents de travail, sur lesquels il intervient à plusieurs reprises pour faire reconnaître la responsabilité de l'employeur (loi de 1898). Il demande aussi l'amnistie des Communards et se bat pour le développement d'un enseignement laïc dans chaque département, soutenant la loi du 28 mars 1882 (loi Ferry) sur l'instruction publique. Comme élu local, sa grande fierté est d'avoir obtenu la réalisation de la ligne de chemin de fer de Bourganeuf à Vieilleville inaugurée en 1883. Il aide également beaucoup à l'essor de la franc-maçonnerie en Creuse, en encourageant l'ouverture de plusieurs loges.

La fin de sa vie, au pays

Il consacre ses dernières années à l'écriture. Il y entreprend la rédaction des « Mémoires de Léonard », son testament politique.

Extrait de "Mémoire de Léonard"

" (...) En face de notre table se trouvait le père Faucher, le marguillier de Pontarion, vieillard universellement respecté de tout le monde de nos environs, et qui buvait aussi chopine. Mon père savait que de temps en temps, il prenait des enfants chez lui, auxquels il enseignait l'alphabet et quelques notions d'écriture.

En me posant la main sur la tête mon père dit : " Voilà un petit gars que je vous enverrais si vous vouliez l'accepter. " La réponse fut affirmative. Jamais je n'oublierais alors le " tollé " que soulevèrent ces paroles, de la part de mon grand-père et de ma mère. La conversation s'engagea aussitôt sur l'utilité et sur la non utilité de l'envoi à l'école des enfants de la campagne.

Ma mère protesta avec la plus grande vigueur disant qu'elle avait besoin de moi pour aller aux champs. Mon grand-père fut de son avis ainsi que d'autres paysans qui ne tardèrent pas à prendre part à la conversation. Enfin tous prétendirent que pour des enfants de la campagne ce qu'ils pouvaient apprendre à l'école ne leur servirait pas à grand chose, sinon à faire quelques lettres et à porter le livre à la messe.

" Depuis ton retour de Paris, disait mon grand-père, tu n'as pas passé un jour sans nous entretenir ce que tu voulais faire de ton garçon ; tu aurais mieux fait de rester à Paris que de venir là nous parler de tes projets d'école. Ni mes frères, ni toi, ni moi, n'avons appris à connaître nos lettres et nous avons mangé du pain tout de même. " (...)

Néanmoins, la fermeté de caractère de mon père, son inébranlable volonté en toute chose eurent raison de l'opinion de son père et de ma mère. (...)

Je me rendais tous les matins à Pontarion après avoir ramené les brebis à l'étable ; je restais à peine deux heures, chez le vieux marguillier, et le soir je retournais aux champs. Pendant les mois de moissons, on me gardait tout à fait. Je passai l'année à apprendre l'alphabet et à épeler les syllabes. (...) "

Il décède le 28 décembre 1898 dans son village natal à la Martinèche, après avoir contribué à de nombreuses et importantes avancées sociales.

 

George Sand à propos de Martin Nadaud:

"Doux, grave et ferme, exempt de toute mauvaise passion..., sa dignité intérieure rayonne doucement dans ses manières, qui sont celles d'un vrai gentleman."

 

La station de métro Martin-Nadaud, inaugurée en 1902, fut condamnée en 1969 pour être rattachée à la station voisine et n’être plus que l’une des sorties de la station Gambetta. La bouche de métro de la place Martin-Nadaud est l’œuvre d’Hector Guimard et a été inscrite aux monuments historiques le 29 mai 19782.

 



 

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